Ou les paradoxes des évolutions d’Internet au Cameroun
Souvenons nous, c’était dans les années 80, le téléphone fixe était encore, étant donné la rareté des lignes et les tarifs, un produit de luxe réservé surtout à l’administration, aux entreprises, et à quelques nantis. Mais surtout, le réseau téléphonique du Cameroun a à cette époque une particularité qui a inspiré bien des commentaires, et même des blagues populaires. En effet, il n’y a pas de ligne directe entre Yaoundé et Douala, les deux principales villes du pays. Et pour appeler de l’une à l’autre, il faut passer par … Paris. Ainsi est né le fameux « Allô Paris? Ici Yaoundé, passez-moi Douala, svp » qui donne son titre à ce texte. Bien évidemment, cette petite singularité a un coût, qui est répercuté sur les utilisateurs, ce qui accentue encore l’inaccessibilité du service.
Fort heureusement, aujourd’hui, et depuis longtemps déjà, les choses ont changé. Le Cameroun dispose désormais d’un réseau de téléphonie national qui couvre la quasi-totalité des villes du pays. Les prix ont considérablement baissé, bien que le taux de pénétration reste faible (0.69% en 2002 selon l’ART). On en est donc plus à passer par Paris pour se rendre de Yaoundé à Douala. Du moins, en ce qui concerne le téléphone fixe, parce qu’entre temps, il y a eu cette révolution, cette merveille de technologie qui fait que vous être en train de lire ces lignes: Internet.
Internet
Internet pour le grand public arrive au Cameroun vers 1997-1998. Les premiers cybercafés ouvrent leurs portes à Douala et à Yaoundé, et le camerounais lambda, en payant entre 2.000 et 3.000 FCFA de l’heure, découvre le world wide web, l’email, les chats. Les stars de l’époque s’appellent Yahoo, Altavista, Caramail, Lycos, Excite. Elles ont tôt fait d’être adoptées localement, et on commence à s’échanger se donner rendez-vous dans les chats, à communiquer via les adresses électroniques, bref, on prend le train en destination du village planétaire. Avec un peu de retard, certes, mais on le prend tout de même.
Un peu plus d’une dizaine d’années après, la situation a de nouveau changé. Les cybercafés se trouvent à tous les coins de rue, le tarif a pratiquement été divisé par 10, et le scénario d’un taximan qui rentre chez lui, se connecte sur un service web sécurisé pour enregistrer sa recette du jour que le patron pourra consulter 5 minutes plus tard ne relève plus de la science-fiction. Quant aux adresses email, tout le monde en a une. Même le cousin et la grand-tante du village. C’est dire si Internet est à la portée du commun des camerounais, ce dont on peut s’en féliciter, et on ne s’en prive pas, d’ailleurs.
Sauf que
Les stars d’Internet, elles s’appellent désormais Yahoo (un des rares rescapés de la première heure), et Gmail. Elles sont bien sûr américaines, comme dans le cinéma et le rap, mais se déclinent également en version française. Et elles ont une petite particularité intéressante: tous les mails que nous échangeons transitent obligatoirement par leurs serveurs.
« Allô Paris? Ici Yaoundé, passez-moi Douala, svp« , c’était il y’a 25 ans. 25 ans de progrès donc, pour qu’en 2009 l’email qui part de Yaoundé pour Douala passe encore par … Paris. À moins que ce soit San Francisco. Vous avez dit progrès?